En mars 2010, nous avons visité quelques églises réformées situées dans l'Oberland bernois, notamment l'église de Meiringen.
Au point de vue géographique, Meiringen est un gros bourg situé à une vingtaine de km en amont du lac de Brienz, sur le cours supérieur de l'Aar. De Meiringen, on peut atteindre différents cols importants des Alpes suisses: le Brünig, le Grimsel, le Susten. Meiringen a toujours été un chef-lieu politique: d'abord de la Communauté de la vallée, du Bailliage impérial du Hasli (jusqu'en 1334), du bailliage bernois d'Oberhasli (jusqu'en 1798), du district d'Oberhasli dans le canton de l'Oberland (1798-1803) et enfin du district du même nom mais dans le canton de Berne actuel, dès 1803. Les crues de l'Aar ont toujours été une menace pour Meiringen et sa vallée; une correction des eaux de l'Aar a été mise en place entre 1866 et 1880 pour remédier à cette situation. La commune possède un musée dédié au héros romanesque de Sir Conan Doyle, Sherlock Holmes. En effet, c'est dans une chute d'eau située en amont de Meiringen que le héros devait périr en combattant son ennemi Moriarty. Toutefois, suite aux remarques des lecteurs, Sherlok Holmes devait réapparaître en 1894 !
L'église Saint-Michel de Meiringen: le premier emplacement du sanctuaire primitif a été occupé apparemment depuis le 9ème siècle déjà. Mais les premiers actes écrits fiables relatifs à un sanctuaire remontent à la consécration de l'église, le 18 août 1234. L'édifice fut agrandi au 13ème siècle et devait être de style roman tardif. Depuis les années 1272 jusqu'au moment de la Réforme (1528), l'église de Meiringen, et sa petite congrégation de lazaristes, vécut sous la coupe du couvent d'Interlaken. Différentes crues de l'Aar détruisirent le premier sanctuaire au 14ème s. et au 15ème siècle. On décida de reconstruire l'église nettement un peu plus à l'écart du cours du fleuve et un peu plus haut. C'est la situation actuelle du sanctaire dont les bases du choeur ont été bien identifiées (15ème siècle). Les fouilles entreprises lors des restaurations de cette église ont montré qu'au moins trois édifices s'étaient succédés au même endroit: une première chapelle avec une abside simple aux 10 et 11èmes siècles, une église provenant de l'agrandissement de la chapelle, ceci au 12ème siècle, puis un nouvel agrandissement au 13ème siècle. L'édifice actuel, qui a succédé à un suivant, du 15ème siècle, remonte à l'époque baroque (1683-84): c'est une église-halle à trois nefs avec un choeur à trois pans. Une double rangée de piliers en bois (12 piliers en tout) aménagent l'espace des 3 nefs. Les fenêtres hautes, baroques, des collatéraux dispensent une lumière généreuse dans l'édifice. Les collatéraux sont plafonnés de bois à l'horizontale, alors que la nef est voûtée, également de bois. A l'origine, toute ces structures en bois étaient peintes et polychromes (piliers en faux marbre noir, voûte peinte en bleu avec un semis d'étoiles). Toute cette polychromie fut éliminée. La chaire est de style Renaissance tardif. Les fonds baptismaux datent du milieu du 14ème siècle. Plusieurs rénovations eurent lieu dans cet édifice: on relève la restauration de 1915-16 avec une ornementation en Jugenstil (Art Nouveau: deux vitraux d'Ernst Linck en 1915, ornements peints et sculptures au niveau des stalles); puis on retient la restauration de 1971 à 73 (élimination de toutes les traces de décors peints, reconstruction de l'orgue qui fut placé sur le sol du choeur après élimination de la tribune du choeur, changement de l'emplacement de la chaire). L'église actuelle est donc un édifice imposant entièrement plafonné et voûté de bois laissé pratiquement brut. Les piliers sont également laissés en bois brut: on est donc loin des décors somptueux de l'époque baroque de la fin du 17ème siècle ! L'orgue, par contre, se distingue par un décor absolument grandiose et remarquable.
La tour: elle se dresse à côté de l'église et remonte aux environs du 13ème siècle (style roman tardif). Elle a été remaniée depuis. A noter que sur la façade extérieure Sud de l'église, on a pu dégager un fragment de fresque du 15ème siècle (maître lombard probable) représentant l'archange St-Michel pesant les âmes avec, à gauche, le portier probable du Ciel: Saint Pierre (?).
La chapelle du cimetière (remonterait à 1486) [Zeughauskapelle]: le sous-sol devait servir à l'origine d'ossuaire. Le bâtiment actuel a, semble-t-il, été construit sur les bases d'un plus ancien bâtiment qui fut détruit par une catastrophe naturelle liée, probablement, aux inondations de l'Aar. La salle supérieure de la chapelle est une construction du 15ème siècle en dur, avec un plafond de bois. On y a découvert des fragments de peintures murales anciennes (vers 1500 env.). Un petit orgue du Toggenburg, rénové par le facteur Wendelin Looser en 1762, y a pris place. Il a été délicatement restauré en 1980. Cet orgue, sans pédalier, possède les jeux suivants sur un clavier: Principal 2', Superoctav 1', Gedackt 8', Quint 1 1/3', Flöte 4' .
Les orgues: a la fin du 18ème siècle, l'orgue est réintroduit dans les édifices réformés bernois. Le premier orgue de l'église St-Michel de Meiringen remonte à 1789 (facteur bernois Johann Suter [*]). En 1889, la Manufacture Goll de Lucerne reçoit le contrat d'édifier un orgue de deux claviers et pédalier dans l'ancien buffet du 18ème siècle (avec 19 jeux). Des ornements sculptés et dorés furent apportés par des artisans (Herr Althaus pour la sculpture et Herr Brügger pour les dorures). Une partie des tuyaux fut remplacée par des tuyaux en zinc et ils y demeurèrent jusqu'en 1974. Un nouvel orgue fut construit en 1943 avec remploi d'une partie des tuyaux anciens, notamment de 1889. L'instrument comptait alors 25 jeux et nécessita l'abaissement de la tribune. Suite à la grande rénovation intérieure de 1971-73, on décida de construire un grand orgue digne des proportions assez majestueuses de l'édifice. Une Commission, aidée d'experts patentés, s'adressa à la manufacture autrichienne Rieger Orgelbau (Schwarzach, Vorarlberg) pour édifier un grand orgue de 36 jeux. Ce magnifique instrument fut posé sur le sol du choeur et la tribune diparut. Le buffet de 1789 ne pouvait accueillir tous les tuyaux de cet instrument: la tourelle centrale du buffet fut surélevée et les tuyaux de pédale furent disposés dans un buffet séparé, derrière le grand buffet. L'orgue de Meiringen est l'un des rares instruments Rieger présents en Suisse, à notre connaissance (avec celui de Menzingen dans le canton de Zoug). ([*] Le lien Internet suivant: http://www.hslu.ch/m-odz-bossart-orgelbauer-zitate-090701.pdf , mentionne l'existence d'un facteur d'orgue bernois, Johann Jakob Suter, ayant vécu de 1764 à 1820 à Münchenbuchsee).
Composition de l'orgue Rieger de Meiringen (1973) [selon l'ouvrage: Die St. Michaelskirche von Meiringen, 2ème édition complétée en 1998, Verlag Pauli Druck, Meiringen]:
Hauptwerk (Grand-Orgue): Rohrgedackt (Bourdon à cheminée) 16', Prinzipal 8', Bourdon 8', Octav 4', Spitzflöte 4', Quinte 2 2/3', Superoctav 2', Mixtur 1 1/3', Cornett 5f (depuis g) 8', Trompete 8'.
Brustwerk (Positif de poitrine): Holzgedackt (Bourdon en bois) 8', Gedecktflöte 4', Prinzipal 2', Flageolet 2', Larigot 1 1/3', Sesquialter 2f (depuis C), Zimbel (Cymbale) 3f 1/2', Vox Humana 8'.
Schwellwerk (Récit expressif): Hohlflöte (Flûte creuse) 8', Spitzgambe 8', Prinzipal 4', Rohrflöte (Flûte à cheminée) 4', Nasat 2 2/3', Doublette 2', Scharff 4f (Mixture aiguë) 1 1/3', Dulcian 16', Trompete 8'.
Pedal: Prinzipalbass 16' (en partie en bois), Subbass 16' (en bois), Octave 8', Spitzflöte 8', Octave 4', Mixtur 4f 2 2/3', Fagott (Basson) 16', Trompete 8', Schalmei (Chalumeau) 4'.
Accessoires: le tirage des jeux est mécanique, de même que celui des notes. Accouplements: BW/HW, SW/HW, HW/P, BW/P, SW/P. Tremulant pour le BW. Expression pour le SW. Mixtures et anches de HW, SW et P disposent d'appels et retraits. Tirant d'appel au pied pour Organo Pleno: HW, P. Il existe un variante B: un combinateur avec 6 combinaisons libres pour une traction des jeux mécanique/électrique.
[Se rappeler notre rubrique sur les noms des jeux de l'orgue: cliquer ici ].
Documentation et liens Internet:
- Die St. Michaelskirche von Meiringen, plaquette éditée par la Kirchgemeinde Meiringen, 1984, 2ème édition complétée en 1998, Verlag Pauli Druck, Meiringen (32 pages),
- Meiringen, l'Eglise St.-Michel, les fouilles et les environs, dépliant très complet pour la visite (édition 1999),
- https://de.wikipedia.org/wiki/Haslital (le Haslital dont Meiringen est l'agglomération principale),
- https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/000471/2008-10-23/ (rubrique historique),
- https://schweizmobil.ch/fr/lieux-450-meiringen (détails touristiques),
- https://www.refkgm.ch/ (le site paroissial),
- https://www.picswiss.ch/14-BE/s-BE-140/sBE-142-04.html (photo de la tour, sans échafaudages, ©),
- https://www.picswiss.ch/14-BE/s-BE-140/sBE-142-13.html (maison typique du Haslital, ©),
- http://peter-fasler.magix.net/public/BEProfile3/meiringenref.htm (l'orgue),
- [ l'orgue de la chapelle-ossuaire (Beinhaus) ] (Orgel erbaut von Wendelin Looser, 1762 , site Kuhn: restauration puis inauguration en 1980)
- le grand orgue figure dans la Base mondiale néerlandaise des Orgues: voir ici. (avec notre lien en référence).
Ci-dessus, en guise de vignette agrandissable de cette page, nous mettons un cliché personnel (mars 2010) du grand orgue de l'église St-Michel de Meiringen, canton de Berne. Les autres clichés personnels figurent dans la rubrique " photos " attenante à cette page de texte.
Révision de la page début juin 2020. Vérification refaite en septembre 2024.
Les catholiques disposent d'une imposante église à Meiringen: voir ici. Malheureusement, nous n'avons pas trouvé de mention d'un orgue à tuyaux pour ce lieu. Des photos intérieures de la tribune dans le site paroissial laissent présager la présence d'un orgue numérique / électronique (?), apparemment. Voir aussi ici pour cette église catholique.