Lors de notre déplacement dans les Grisons (juillet 2010), nous avons pu effectuer une visite assez approfondie de la cathédrale de Coire (Chur, chef-lieu du canton des Grisons).
Histoire de l'édifice, visite, description: la cathédrale Notre-Dame de l'Assomption de Coire est sans aucun doute l'un des édifices majeurs de l'art roman de transition en Europe centrale. Le site, dans la profonde vallée alpine du Rhin, est absolument fascinant et regroupe un ensemble de formes artistiques depuis la romanité jusqu'à une belle expression de l'art baroque. Au plan historique, il faut essayer d'être synthétique: sous la cathédrale, les archéologues ont découvert les soubassements d'une abside remontant au 5ème siècle. Un mur datant d'environ 750 à 760 fut aussi mis en évidence: ces maçonneries appartiennent au précurseur de l'édifice actuel, précurseur fondé par un évêque nommé Tello, selon la tradition. La cathédrale se trouve à l'emplacement d'un castel romain tardif dont le mur d'enceinte détermina plus tard le plan du château épiscopal. La décision d'ériger une nouvelle église à la place de l'édifice carolingien fut prise sous le règne de l'évêque Adalgott (1151-1160), disciple de Bernard de Clairvaux. La construction eut lieu en plusieurs étapes, avec des interruptions qui n'affectèrent pas fondamentalement l'unité architectonique de départ. La consécration eut lieu en 1272. La cathédrale dut s'adapter au relief tourmenté de l'endroit. La nef principale adopte la forme d'un parallélogramme auquel le choeur se raccorde selon un axe brisé en deux fois. Il n'y a que peu de fenêtres pour éclairer ce vaisseau, ce qui lui confère une relative obscurité, même par beau temps. La cathédrale rappelle une forteresse avec ses contreforts. La tour originale devait encore accentuer cet aspect. L'actuelle tour remonte au 19ème siècle, érigée suite à un incendie. L'intérieur: voici une basilique avec piliers, à trois nefs de trois travées, sans transept, avec un choeur des prêtres carré, au sol surélevé de 3 m par rapport à celui de la nef; puis vient un choeur plus étroit et plus bas. Sous le choeur et ouverte du côté de la nef, on trouve la crypte. Portail et fenêtres sont en plein cintre (style roman), mais la nef, les collatéraux et le choeur ont reçu des ogives primitives (style gothique archaïque aux proportions massives encore romanes). Les nervures sont en tuf jaune. La cathédrale de Coire semble, avec ses ogives primitives, avoir été influencée par un courant français. La plastique des chapiteaux romans est, par contre, très influencée par l'architecture du bassin de Constance. Sainte-Marie de Coire est la seule église épiscopale suisse à avoir gardé son rang de cathédrale, au même endroit, jusqu'à nos jours. Cette dignité religieuse s'étendant sur 15 siècles, pratiquement, se traduit dans l'ornementation de l'intérieur et la richesse des oeuvres d'art à contempler en ces lieux. Dominant ces oeuvres, le maître-autel, oeuvre de Jacob Russ, sculpteur à Ravensburg, fut exécuté entre 1486 et 1492: cette merveille a un rayonnement tel que, même l'époque baroque, n'éprouva pas le besoin de la remplacer au moment de la Contre-Réforme.
Les principales oeuvres d'art:
Les autels: il y a plusieurs autels dans cette cathédrale. De nombreux remontent au milieu du 17ème siècle (époque baroque) et sont d'une très grande beauté. Deux autels, à notre avis, dominent cet ensemble artistique prestigieux: le maître-autel de la fin du 15ème siècle (sans doute l'un des plus grands chefs d'oeuvre de cette époque en Europe centrale) et l'autel de la crypte, une superbe oeuvre remontant aux environs de 1440 et provenant probablement du Tyrol. L'évêque J. V. Flugi von Aspermont, qui fut évêque de Coire de 1601 à 1627, a une chapelle baroque qui lui est consacrée avec de superbes peintures sur la voûte (milieu 17ème siècle) et un autel datant de 1653 (Rosenkranzaltar). Cette chapelle de Flugi fut édifiée sous J. VI. Flugi von Aspermont (évêque: 1636-1661) en style baroque italien. Les stalles: remontent au milieu du 15ème siècle; le trône de l'évêque est du 19ème siècle. La chaire: en marbre rose (date de 1733). La niche abritant le Saint-Sacrement (Eucharistie): belle construction gothique tardive (de 1484), située à gauche de l'entrée du choeur (au bas de l'escalier); c'est une oeuvre du maître Claus von Feldkirch. Christ en croix de l'arc d'entrée du choeur: date de la fin du 16ème siècle. Chapiteaux: les piles de la nef et des collatéraux sont ornées de chapiteaux romans historiés splendides qui montrent assez nettement une influence rhénane. Les vitraux: les fenêtres des bas-côtés sont garnies de vitraux remarquables datant de 1925 (oeuvres d'Albin Schweri et Louis Halter, Ateliers d'art du Vitrail à Berne). La grande fenêtre romane de la façade Ouest, laquelle portait un vitrail de la fin du 13ème siècle, a reçu une verrière de Claudius Lavergne de Paris (en 1884). Cette verrière est restée visible lors de la construction du nouveau grand orgue, en 2007. La crypte: véritable sanctuaire, cette crypte s'ouvre directement sur la nef, elle est située sous le choeur. Elle est munie de barres de bronze un peu coudées pour aménager un vestibule voûté réservé à la méditation du chrétien. La puissante voûte de cette crypte est surbaissée et soutenue par un pilier portant à sa base une statue d'un lion accroupi portant un cavalier sur son dos (ensemble datant de 1220 environ). Ce vaste vestibule mène, derrière une grille, au fameux autel de la crypte, lequel date de 1440. Cet autel, particulièrement beau, abrite des reliques de saint Fidelis de Sigmaringen. Cet autel représente, au centre, le couronnement de Marie (époque gothique). Mentionnons encore que la catédrale de Coire possède des restes de peintures murales remontant à la première moitié du 14ème siècle.
Les orgues: l'orgue de choeur est un instrument neuf de la Manufacture Späth de Rapperswil. Le grand orgue actuel est une réalisation assez audacieuse de la Manufacture Kuhn de Männedorf (en 2007). Cette manufacture réutilisa 1132 tuyaux de valeur provenant de l'orgue Goll d'origine (1887). Le nouvel instrument (comprenant 3 claviers et pédalier) fut inauguré en octobre 2007. Voici le lien direct qui mène à cet instrument dans le site de la Manufacture Kuhn: cliquer ici . Et voici le lien de la Maison Späth pour l'orgue de choeur: voir ici.
Composition de l'orgue de choeur Späth de la cathédrale de Coire [selon le site Internet de la manufacture Späth et www.domorgel-chur.ch.vu ]:
Manual I (premier clavier, C-f'''): Principal 8', Rohrgedeckt (Bourdon à cheminée) 8', Octave 4', Doublette 2' (extraite de la Mixture), Mixtur 3f.
Manual II (deuxième clavier, C-f'''): Gedeckt 8' (Bourdon), Spitzflöte 4', Flautino 2' (extrait du Cornettino), Cornettino 3f 2 2/3'.
Pedal: Subbass 16', Oktafbass (transmission du Principal 8').
Traction mécanique. Tremulant sur tout l'instrument.
Composition du grand orgue Kuhn de la cathédrale de Coire [selon le site Internet de la manufacture et www.domorgel-chur.ch.vu ]:
I. Hauptwerk (Grand-Orgue, C-c'''): Principal 16', Principal 8', Gedeckt (Bourdon) 8', Flauto 8', Gamba 8', Octave 4', Flöte (Flûte) 4', Quinte 2 2/3', Superoctave 2', Mixtur 5f 2', Cornett 3-5f 8', Tuba 16', Trompette 8'.
II. Positiv (Positif expressif, C-c'''): Geigenprincipal 8', Wienerflöte 8', Salicional 8', Octave 4', Rohrflöte (Flûte à cheminée) 4', Sesquialtera 2f 2 2/3', Flauto 2', Mixtur 4f 1 1/3', Oboe (Hautbois) 8', Tremulant.
III. Schwellwerk (Récit, C-c'''): Bourdon 16', Diapason 8', Gedeckt 8', Dolce 8', Vox celestis 8' (depuis c), Traversflöte 4', Octavin 2', Plein-Jeu 5f 2 2/3', Basson 16', Trompette harmonique 8', Vos humana 8', Tremulant.
Pedal (C-g'): Principalbass 16', Subbass 16', Echobass 16', Quinte 10 2/3', Octavbass 8', Violoncello 8', Dolce 8' (transmission du Récit), Choralbass 4', Bombarde 16', Trompette 8'.
Accouplements: II/I, III/I, III/II, I/P, II/P, III/P. Accouplements-Superoctaves: III/I, III/P. Combinateur pour 4 X 1000 combinaisons. Traction mécanique des notes. Traction mécanique des jeux + électrique. Sommiers à coulisses. Un grand nombre de tuyaux des instruments antérieurs (1887 de Goll, et 1938 de Gattringer) ont été conservés: 1132 tuyaux en tout sur un total de 3244.
[Se rappeler notre rubrique sur les noms des jeux de l'orgue: cliquer ici ].
Ouvrages, liens Internet:
- brochure: Chur, Kathedrale St. Maria Himmelfahrt, par Jutta Betz, Kunstverlag Peda-Passau, 2009 (49 pages largement illustrées),
- livre: Eglises et Monastères suisses, par Klaus Speich et Hans R. Schläpfer, Editions Ex Libris, Zurich, 1979,
- https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/001581/2020-06-12/ (rubrique historique),
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Coire (rubrique en français),
- la cathédrale de Coire, un monument d'importance nationale: cliquer ici,
- http://www.picswiss.ch/09-GR/GR-97-01.html (plusieurs photos agrandissables de Coire, ©),
- https://www.flickr.com/photos/jlp45/albums/72157634582088034/ (vues de la cathédrale dans un superbe album de J.L. Pitteloud, protégé par Copyright).
- vue du maître-autel: cliquer ici , le chef-d'oeuvre de cette cathédrale,
- https://www.chur.ch/ (site de Coire en allemand),
- http://www.youtube.com/watch?v=2l_avsBRKW4&feature=related (belle vidéo présentant la cathédrale),
- les orgues de cette cathédrale figurent dans la base mondiale néerlandaise des Orgues: grand orgue et orgue de choeur (avec de belles photos).
- ce lien Wikipedia donne aussi les compositions des 2 instruments: voir ici.
Ci-dessus, en guise de vignette agrandissable de cette page, nous mettons un cliché personnel du grand orgue Kuhn de la cathédrale de Coire (canton des Grisons). Les autres clichés personnels figurent dans les deux rubriques suivantes attenantes à cette page de texte: " photos orgues, architecture " et " photos autels, vitraux, divers ". Nos rubriques de photos sont aussi riches et complètent bien le texte descriptif et historique ci-dessus. Cet édifice est un concentré d'Art et d'Histoire.
Page et rubrique complètement revue et corrigée en août 2020.