En novembre 2009, lors d'un séjour à Paris, nous avons pu visiter l'église Saint-Sulpice de cette ville.
L'église St-Sulpice et son histoire: il semblerait que l'on ait discuté assez longuement sur les origines plus ou moins anciennes de ce sanctuaire parisien bien connu. Une pierre tombale du 10ème siècle a été mise au jour, en 1724, lors de fouilles. Il semblerait qu'un cimetière important se trouvait à cet endroit avec une chapelle. Un église fut élevée à cet endroit des 12 au 14èmes siècles. Elle fut agrandie sous François Ier, et de 3 chapelles encore en 1614. L'augmentation de la population dans le quartier de Saint-Germain, au sud de St-Germain-des-Prés, fit naître l'idée d'édifier une grand église à l'emplacement de l'ancienne, dont l'état était pratiquement à la ruine. Une assemblée se tint, sous la présidence du Prince de Condé, pour décider des travaux. La première pierre fut posée par la reine Anne d'Autriche en février 1646. Les travaux commencèrent sous la direction de Christophe Gamard, architecte, qui décéda en 1659. Louis Le Vau, l'un des créateurs du classicisme français (architecte du Grand Siècle, ou siècle de Louis XIV), poursuivit les travaux. Daniel Gittard, autre architecte, continua les travaux qui s'interrompirent de 1678 à 1718, par manque d'argent. Ils reprirent sous la direction de d' Oppenord et l'édifice fut achevé par Jean Servandoni. Le grand portail fut terminé en 1749 (par Servandoni): il se présente sous forme de deux portiques superposés, d'ordre dorique au rez-de-chaussée, et d'ordre ionique à l'étage. Les tours mesurent 70 m de hauteur. La tour Nord renferme les cloches. Cette tour Nord fut reconstruite par l'architecte Chalgrin en 1777. La tour Sud ne put subir le même sort, car la Révolution arriva, si bien que ces deux tours ne sont pas exactement semblables, bien que jumelles à l'origine. La tour Nord était en réparation lors de notre passage en novembre 2009. L'église est vaste et imposante (56 m de long, avec 32 m de haut sous la voûte). Le choeur est orné de pilastres d'ordre corinthien. Derrière le maître-autel s'ouvre une chapelle dédiée à la Vierge, terminée en 1777. La chaire a été offerte, en 1788, par le maréchal Duc de Richelieu. Les chapelles s'ornent de peintures de valeur, de Delacroix (chapelle des Saints-Anges), mais il y a d'autres belles peintures dans cette église (Heim, Vinchon, Signol...). La tribune de l'orgue: elle est constituée de colonnes composites créées par Servandoni. La place, devant l'église, devait être imposante (120 m sur 208 m), avec une construction à façades symétriques. Cette construction fut abandonnée et la place fut plantée d'arbres. Une fontaine monumentale y fut construite, en 1847, par Louis Visconti. Les 4 statues de cette fontaine représentent Bossuet, Fénelon, Massillon et Fléchier.
Histoire du Grand Orgue: le premier organiste de St-Sulpice fut Nicolas Pescheur, probablement le fils de Pierre Le Pescheur, organiste en 1544, à l'Hôpital du Saint-Esprit. Nicolas Pescheur décéda en octobre 1603. Il fut le dernier titulaire de l'ancien orgue de l'antique église, laquelle devait être démolie plus tard. En 1614, on fit construire un nouvel instrument avec les restes de l'ancien grand orgue. Le facteur Vincent Coppeau acheva cet orgue en 1636. Coppeau fut organiste à St-Sulpice jusqu'à l'arrivée de l'organiste du Roi, Guillaume-Gabriel Nivers (1617-1714). Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749) lui succéda, suivi de deux de ses fils César-François (décédé en 1761) et Evrard-Dominique (décédé en 1773). Au moment où le choeur de l'église actuelle fut terminé, l'orgue fut installé au-dessus du maître-autel, entre le choeur et la chapelle axiale de la Vierge. Cet instrument fut remplacé par une orgue plus puissant qui fut installé au niveau de la croisée Nord du transept. Cet instrument, intermédiaire, demeura à cet endroit jusqu'en 1784. Pendant ce temps, le grand projet du nouveau Grand Orgue de St-Sulpice prenait forme, vers 1776. Deux projets de buffet sont présentés (architectes Laurent et Chalgrin). C'est le projet de Jean-François Chalgrin qui fut choisi (il s'harmonisait au mieux avec la splendide tribune de pierre de Servandoni). En janvier 1778, le contrat est signé avec le maître-menuisier Jadot et le sculpteur Duret pour réaliser le buffet majestueux. La partie instrumentale est devisée par François-Henri Clicquot et le devis est supervisé par Dom Bédos. Le contrat pour l'orgue est signé en janvier 1780. L'un des organistes de Notre-Dame de Paris, Claude-Etienne Luce, suivra la marche des travaux. Cet organiste sera nommé à St-Sulpice en 1772, d'ailleurs. L'orgue fut reçu officiellement le 15 mai 1781, avec l'arbitrage de grands noms de la musique française: Armand-Louis Couperin, Claude Balbastre, Nicolas Séjan, assistés par Jean-Jacques Charpentier (Dom Bédos, autre grand acteur de la naissance de cet orgue, était décédé depuis deux ans).
Le buffet est grandiose, en chêne sculpté, colossal meuble en bois de 12 m de large et 14 m de haut. Il adopte une forme concave, pas forcément idéale pour la diffusion des sons, car, de plus, la façade s'orne de grandes colonnes qui, elles aussi, perturbent la passage des ondes. Si l'on fait abstraction de ces réserves, ce buffet, de Chalgrin, est l'un des grands chefs-d'oeuvre de la facture de buffets d'orgues.
L'orgue Clicquot comptait donc 64 jeux sur 5 claviers et un pédalier de 36 notes (4328 tuyaux et 14 soufflets). Ce fut, à l'époque, le plus bel instrument de Paris. L'organiste Claude-Etienne Luce mourut en 1783, et Nicolas Séjan y succéda. L'orgue fut, heureusement, préservé durant la Révolution. Nicolas Séjan reprit son poste, après l'épisode révolutionnaire et décéda en 1819. Son fils Louis lui succéda, suivi par Georges Schmitt (de 1849-1863). En 1834, Louis Callinet est appelé au chevet du Clicquot, pour restauration. Callinet, en pleines difficultés financières, doit vendre son fonds de commerce à la Société Daublaine. La Société Daublaine-Callinet ne terminera pas cette restauration, car elle sera revendue à la Société Girard qui, elle-même, est reprise, un an plus tard, par le facteur Ducroquet. Les travaux assumés furent un nettoyage complet de l'orgue avec apport de modifications mineures (des rangs de mutations sont enlevés, des anches et une Machine Barker sont ajoutées). La réception définitive a lieu en avril 1846. L'orgue a alors 65 jeux.
La restauration, suivie par plusieurs facteurs successifs en difficultés financières, ne satisfera finalement personne (paroisse et organistes). En 1855, Aristide Cavaillé-Coll est engagé pour harmoniser l'orgue et l'entretenir. En peu de temps, Cavaillé-Coll soumet un devis pour une reconstruction complète de l'orgue de St-Sulpice (il avait déjà produit de grands instruments, à savoir, notamment, l'orgue de La Madeleine et l'orgue de la Basilique Saint-Denis). Le projet est accepté en 1857. Il faudra 5 années de travaux à C.-Coll pour produire le grand orgue de 100 jeux de St-Sulpice. La console comporte 5 claviers avec des tirants de registres en terrasses et en arcs de cercle, de part et d'autre des claviers. La traction des jeux est assistée par des machines Barker. Avec un système de doubles layes, la mémorisation d'une registration est possible en plus des jeux préparés. Cavaillé-Coll ne conservera que 40 rangs de tuyaux de l'orgue Clicquot (des mixtures, des anches), ce qui représente quand même environ les 2/3 de l'instrument original. Il conserva la Trompette de Callinet en chamade, ainsi que des Bassons et des rangs d'anches. Il conserve aussi la machine Barker qu'il installe au Récit. Mais toute la mécanique a été refaite ainsi que l'alimentation en air. Des pressions différentes existent pour les sont graves ou aigus; les anches ont des pressions plus élevées que les jeux de fonds. Chaque division sonore possède sa machine Barker et une machine Barker générale assume l'aide pour les accouplements.
Le grand orgue se distribue sur 7 étages, depuis le sol de la tribune jusqu'à la voûte (cela fait 18 m). Quatre des 7 étages sont occupés par le mécanisme. Cet immense instrument comprend donc 100 jeux, 5 claviers manuels et un pédalier, 20 sommiers, 7 leviers ou machines Barker, 8 réservoirs à doubles plis et pratiquement 7'000 tuyaux (avec deux 32'). Cet orgue révolutionnaire fut inauguré le 29 avril 1863 (avec César Franck, Camille Saint-Saëns, Alexandre Guilmant, Auguste Bazille et le titulaire Georges Schmitt). Le virtuose Louis-James-Alfred Lefébure-Wély est nommé titulaire dans la foulée de cette inauguration. Lefébure-Wély décède en 1869. C'est Lefébure-Wély qui fait installer, par C.-Coll, les effets d'Orage, de Grêle et le Rossignol. Pour remplacer Lefébure-Wély, c'est Charles-Marie Widor qui est proposé pour lui succéder. On le trouve trop jeune, parmi les paroissiens (il a 26 ans). Il sera donc engagé à titre probatoire pour un an. Au terme de cette année probatoire, son statut ne sera pas éclairci et Widor restera, finalement, avec ce statut jusqu'à sa retraite, 64 ans plus tard (en décembre 1933 !), comme titulaire non réellement nommé !
Cavaillé-Coll fit quelques retouches à son grand orgue à la fin du 19ème siècle. Charles-Mutin, en 1903, entreprend une restauration importante, avec des modifications souhaitées par Widor. Le Récit fut, notamment, descendu du 5ème clavier au 4ème, pour plus de confort. Le Positif fut descendu du 4ème au 3ème clavier; le clavier de Bombarde, renommé Solo, passa du 3ème clavier au 5ème. A part ces changements, on ajouta / remplaça quelques jeux; le regret de Widor resta que la Pédale soit, comparativement aux autres divisions sonores, un peu faible avec ses 12 jeux. Lors de son départ, en 1933, on ajouta deux Principaux à la Pédale (16 et 8'). L'instrument monta ainsi à 102 jeux. Aucune autre modification n'a été apportée depuis le départ de Widor. Marcel Dupré, assistant de Widor, reprit le titulariat en 1934 jusqu'à son décès, en 1971. Le faible nombre de titulaire (2 en tout) en 100 années de vie pour cet orgue a permis de lui épargner, probablement, toute la vague néo-classique portée par de nombreux facteurs comme les Roethinger ou les Danion-Gonzalez, par exemple. Jean-Jacques Grünenwald succéda à Dupré jusqu'en décembre 1982. L'intérim de 1982-85 fut assuré par Françoise Renet, avant l'arrivée, en 1985, de l'actuel titulaire Daniel Roth. Sous Daniel Roth, l'orgue fut dépoussiéré et restauré (notamment au niveau des cuirs) de 1988 à 1991 (facteur Jean Renaud de Nantes). L'intrument ne fut pas modifié. Voici donc un des Cavaillé-Coll les mieux conservés à Paris et en France.
L'orgue de choeur: ce petit instrument de 22 jeux est un orgue Cavaillé-Coll datant de 1858. Il comporte 2 claviers et un pédalier et la traction en est mécanique. Il a été restauré par Charles Mutin en 1903 et par le facteur Jacques Picaud en 1981.
Composition du Grand Orgue Cavaillé-Coll (selon le site www.stsulpice.com/ ):
Clavier 1 (Grand-Choeur, 56 notes): Salicional 8', Octave 4', Fourniture 4r, Plein-Jeu 4r, Cymbale 6r, Cornet 5r (depuis ré3), Bombarde 16', Basson 16', Première Trompette 8', Deuxième Trompette 8', Basson 8', Clairon 4', Clairon-Doublette 2'.
Clavier 2 (Grand-Orgue, 56 notes): Principal harmonique 16', Montre 16', Bourdon 16', Flûte conique 16', Montre 8', Diapason 8', Bourdon 8', Flûte harmonique 8', Flûte traversière 8' (dès le ré3), Flûte à pavillon 8', Quinte 5 1/3', Prestant 4', Doublette 2'.
Clavier 3 (Positif, 56 notes): Violon-Basse 16', Quintaton 16', Salicional 8', Viole de Gambe 8', Unda Maris 8', Quintaton 8', Flûte traversière 8', Flûte douce 4', Flûte octaviante 4', Dulciane 4', Doublette 2', Quinte 2 2/3', Tierce 1 3/5', Larigot 1 1/3', Piccolo 1', Plein-Jeu harmonique 3-6r, Basson 16', Baryton 8', Trompette 8', Clairon 4'.
Clavier 4 (Récit expressif, 56 notes): Quintaton 16', Diapason 8', Bourdon 8', Violoncelle 8', Voix céleste 8', Prestant 4', Doublette 2', Fourniture 4r, Cymbale 5r, Basson-Hautbois 8', Cromorne 8', Voix humaine 8', Flûte harmonique 8', Flûte octaviante 4', Dulciane 4', Nazard 2 2/3', Octavin 2', Cornet 5r, Bombarde 16', Trompette 8', Clairon 4'. Machine à grêle, Rossignol, Trémolo.
Clavier 5 (Solo, ancien clavier de Bombarde, 56 notes): Bourdon 16', Flûte conique 16', Principal 8', Bourdon 8', Flûte harmonique 8', Violoncelle 8', Gambe 8', Kéraulophone 8', Prestant 4', Flûte octaviante 4', Octave 4', Octavin 2', Quinte 5 1/3', Tierce 3 1/5', Septième 2 2/7', Quinte 2 2/3', Cornet 5r, Bombarde 16', Trompette 8', Clairon 4', Trompette coudée à forte pression 8'.
Pédale (30 notes): Principal 32' (en bois), Principal 16', Contrebasse 16', Soubasse 16', Principal 8', Violoncelle 8', Flûte 8', Flûte 4', Bombarde 32' (métal), Bombarde 16', Basson 16', Trompette 8', Ophicléide 8', Clairon 4'.
Tirasses: Grand-Choeur, Grand-Orgue, Récit. Appels des octaves graves pour les 5 claviers. Appel pour Grand-Choeur. Accouplements: I/II, II/I, III/I, IV/I, V/I, IV/III.
Composition de l'orgue de choeur (selon le site www.stsulpice.com/ ):
Grand-Orgue (54 notes): Bourdon 16', Bourdon 8', Montre 8', Salicional 8', Flûte harmonique 8', Prestant 4', Octave 4', Quinte 2 2/3' (de Mutin), Doublette 2', Plein-Jeu 4r, Basson 16', Trompette 8', Clairon 4'.
Récit (54 notes): Flûte traversière 8', Viole de Gambe 8', Voix céleste 8', Flûte octaviante 4', Octavin 2', Cor anglais 8', Trompette harmonique 8', Clairon 4'.
Pédalier (30 notes): Soubasse 16' (du Bourdon 16' du GO).
Accouplement: II/I; tirasses pour I et pour II, Tremblant au Récit. Appel GO, appel anches du Récit.
Liens Internet, brochure:
- brochure: Saint-Sulpice, plaquette historique éditée par la Paroisse de St-Sulpice, édition 2003, Impression FOT, Lyon (49 pages).
- https://www.paroissesaintsulpice.paris/ (lien paroissial),
- https://www.youtube.com/watch?v=-hFjxTZfebg (ce qu'il faut visiter, présenté en vidéo),
- http://www.stsulpice.com/ (site spécifique du Grand Orgue), [site officiel trouvé MORT le 3 mai 2018 ???], et aussi mort en 2022,
- lien de remplacement du ci-dessus: voir ici,
- http://www.davidphenry.com/Paris/SaintSulpice_fr.htm (photos diverses, © !),
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Roth (page sur Daniel Roth),
- http://www.musiqueorguequebec.ca/orgues/france/ssulpice.html (autre site),
- http://www.musiqueorguequebec.ca/orgues/france/ssulpice1.html (photos du lien ci-dessus),
- page culturelle française sur cette église: cliquer ici , avec quelques extraits musicaux,
- lien historique: voir ici,
- http://www.musiqueorguequebec.ca/orgues/france/ssulpice4.jpg (vue de la magnifique console C.-Coll),
- https://www.youtube.com/watch?v=GAKeQQakfuQ (présentation par Daniel Roth),
- http://orgue.free.fr/sulpice.html (autre belle monographie).
- le superbe lien sur le Patrimoine en France et à Paris (vraiment remarquable): voir ici, (puisse ce site patrimonial français se maintenir !!),
- les orgues dans la base néerlandaise de données mondiales des Orgues (remarquable: avec photos agrandissables): grand orgue et orgue de choeur.
- dans l'Inventaire des Orgues de France (rédaction en cours en 2022): grand orgue et orgue de choeur.
Ci-dessus, en guise de vignette agrandissable de cette page, nous mettons un cliché personnel (nov. 2009) du Grand Orgue Cavaillé-Coll de l'église St-Sulpice à Paris (France). Les autres clichés personnels figurent dans la rubrique " photos " attenante à cette page de texte.
Lors d'un nouveau passage à Paris en novembre 2012, à l'occasion d'un concert en fin d'après-midi et après ce concert, nous avons eu accès brièvement à la console de l'orgue de Saint-Sulpice. Nous avons pu faire de nouvelles photos personnelles de nuit de St-Sulpice et ses orgues. Voir la rubrique: "nouvelles photos: nov. 2012" (avec l'autorisation de M. Daniel Roth, titulaire).
Monographie relue, corrigée et complétée en octobre 2022.