En mai 2011, nous avons visité la cathédrale de St-Gall.
Le monastère baroque de St-Gall atteste avec majesté de l'ultime floraison d'une des abbayes européennes les plus prestigieuses, dont l'histoire profonde couvre plus de 12 siècles. En 612, le moine irlandais voyageur Gall établit dans la vallée de Steinach une cellule et un oratoire en bois. En 747, la communauté d'ermites fixée à cet endroit fut transformée en un couvent bénédictin qui devait rester,
durant 300 ans, l'un des foyers les plus renommés de la culture occidentale. Vers la fin du Moyen Âge, l'abbaye princière se transforma en résidence d'une seigneurie spirituelle. Après diverses vicissitudes (notamment perte d'Appenzell), cette seigneurie s'organisa en Etat allié à la Confédération suisse (vers 1451). Au danger représenté par la Réforme fait suite l'essor d'une puissance spirituelle et temporelle qui trouve son expression dans les édifices représentatifs du 18ème siècle, peu avant que ne s'efface la souveraineté du Prince-abbé, avec l'invasion des troupes françaises en 1798. Le Münster du monastère, sécularisé définitivement en 1805, devint cathédrale du nouvel évêché de saint-Gall.
Le premier édifice religieux construit en dur, au 8ème siècle, fut remplacé entre 830 et 867 par un ouvrage grandiose (voir le plan du 9ème s.: ici). Gaspard (Caspar) Moosbrugger (1656-1723) proposa des plans pour une nouvelle église abbatiale. Par la suite, d'autres architectes de renom (issus de l'Ecole du Vorarlberg), tels que Johann Caspar Bagnato et Johann Michael Beer participèrent au projet. Pour finir, après 1755, Peter Thumb construisit le vaisseau et la fameuse rotonde centrale. En 1761, sous la direction Johann Michael Beer, l'abbatiale s'enrichit d'un nouveau choeur avec la célèbre façade à deux tours. Cette façade montre une envolée baroque brillante. L'intérieur, par contre, avec sa succession symétrique de coupoles de la nef et du choeur, et avec une certaine retenue dans les éléments décoratifs, laisse présager le néoclassicisme. L'ouvrage de Thumb et Beeer est étroitement lié à l'histoire de l'architecture baroque en Allemagne du Sud. A Ottobeuren (1737-1766), la conception architecturale en avait été annoncée déjà. L'ornementation plastique des maîtres Christian Wentzinger (parfois écrit sans le "t") et Joseph Anton Feuchtmayer (auteur des sculptures de la façade du choeur) est également empreinte de l'Allemagne du Sud. Les doubles stalles, expression virtuose mais non chaotique, du rococo, sont l'oeuvre du sculpteur Feuchtmayer. Elles sont probablement la dernière création importante de ce genre en Europe. Les peintures des voûtes du choeur sont du fresquiste Joseph Wannenmacher (1722-1780).
La cadre esthétique le plus extraordinaire des édifices conventuels du 18ème siècle est sans doute la fameuse bibliothèque abbatiale conçue par Peter Thumb (1758-67): un chef-d'oeuvre de l'architecture rococo en Suisse. [Voici un lien montrant cette bibliothèque: cliquer ici: ©, interdiction de copier la photo. Autre lien: cliquer ici, également ©].
Intérieur: de la rotonde, dont la coupole est soutenue par huit piliers, partent vers l'Ouest et l'Est, deux vaisseaux identiques, ayant chacun 3 travées de 2 fenêtres et aboutissant à des absides plates. Le plafond des nefs centrales est fait d'une succession de coupoles séparées par de grandes arcades, les bas-côtés étant recouverts de berceaux transverseaux. Le centre porte la grande coupole circulaire. La longueur totale est de 97,3 m. La hauteur de la coupole est de 27,5 m. Peintures des voûtes: elles ont été exécutées par Joseph Wannenmacher (nefs et rotonde: 1757-1760; choeur: 1765-1766). On aperçoit un ciel sombre, peuplé de personnages célestes soutenus par les nuages. Dans le choeur: adoration et louange de Dieu, de l'Agneau mystique, du Sacré-Coeur et de l'Eucharistie, par des Evangélistes, Apôtres, anges et archanges. Au niveau de la coupole: on remarques les saints plus particulièrement vénérés à St-Gall, y compris des représentants de l'Ancienne Alliance répartis selon les Béatitudes du Sermon sur la Montagne. Les coupoles secondaires sont consacrées à la Vierge et à d'autres saints locaux, celles des diagonales sont consacrées à saint Gall. Vaisseau Est: saint Gall avec les saints protecteurs des abbayes de St-Gall, St-Jean et Rorschach. Vaisseau central: saint Othmar et autres saints locaux. Vaisseau Ouest: Immaculée Conception. Dans le choeur: sainte Cécile et choeurs d'anges et de moines. Stucs: ils sont luxuriants et, au niveau de la rotonde, ils sont de la main de Wentzinger. Maître-autel: date de 1808-1810 et signé Joseph Simon Moosbrugger (construction néo-classique à colonnes. Le tableau, probablement de 1645, est attribué à Lanfranco [?]). Les stalles sont sans doute la plus belle oeuvre de Feuchtmayer (de 1763-1770). La grille de choeur a été exécutée par un serrurier palatin du nom de Mayer en 1771.
Le grand orgue: dans l'édifice baroque, on s'est contenté assez longtemps des deux orgues de choeur aux façade jumelles, commandés en 1766 et construits entre 1768 et 1770 par les facteurs Bossard de Baar (Victor Ferdinand Bossard et Karl Joseph Maria Bossard). On en reparlera ci-dessous. Vers 1808-1810, on construisit une vaste tribune en Ouest de la cathédrale pour recevoir un grand orgue. Cet instrument fut édifié par les facteurs Frosch père et fils (père = Franz Frosch, 1756-1829 et fils = Josef Frosch, 1785-1868) de Munich. Ce grand orgue (réalisé entre 1811 et 1815) comportait 4 claviers et 60 jeux. Le buffet, immense, date de 1811 et a été exécuté par le sculpteur et stucateur bien connu Josef Simon Moosbrugger, qui signa également le maître-autel. De 1872 à 1875, Johann Nepomuk Kuhn modifia profondément l'orgue Frosch. Il conserva l'ancien buffet. Les sommiers devinrent alors à cônes, mécaniques. Lors de la restauration totale de la cathédrale, de 1961 à 67, le grand orgue fut repensé par la Manufacture Kuhn. Les tourelles extérieures de la Pédale furent reprises du buffet de 1815, mais le reste fut reconstruit à neuf. Les sommiers redevinrent à coulisses et la traction mécanique. Cette restauration/reconstruction eut lieu en 1968. Un relevage approfondi eut lieu encore en 2005. Cet orgue superbe est l'un des très grands instruments figurant dans une cathédrale en Suisse.
Les orgues de choeur Bossard: l'orgue de choeur de la cathédrale de St-Gall compte parmi les importants orgues historiques de Suisse. Par contrat signé en juillet 1766, Victor Ferdinand Bossard (parfois écrit Bossart) et Karl Joseph Maria Bossard (de Baar) reçurent le mandat de construire un orgue de choeur pour l'église abbatiale dont le choeur fut pratiquement achevé vers 1761. Les facteurs imaginèrent un orgue avec deux buffets jumeaux comportant en tout 32 jeux. L'accouplement des deux instruments (celui, à l'époque, de l'Epître, au Sud et celui de l'Evangile au Nord) fut prévu par une mécanique souterraine sur plus d'une dizaine de mètres (ce qui semble, selon les sources à notre disposition, avoir été demandé dans le contrat). Pour des raisons techniques assez évidentes, les deux orgues restèrent individuels (et non accouplables), avec chacun sa console. Les instruments Bossard, malgré cet écart par rapport au contrat, donnèrent satisfaction. Le plus petit orgue (Sud, de l'Epître) comptait 9 jeux et probablement un pédalier sans jeux individuels mais, simplement, un pédalier dit "attaché" (angehängte Pedalklaviatur). L'autre orgue (de l'Evangile, au Nord), était plus important et comportait 24 jeux en tout (avec pédalier indépendant). En 1805, l'église abbatiale passa de son rang d'église conventuelle au rang de cathédrale de l'évêché. Le besoin d'un grand orgue en Ouest se fit sentir rapidement, d'où la construction de la grande tribune et de l'orgue Frosch (voir ci-dessus). Des travaux de rénovation eurent lieu dans l'église au moment de son passage au rang de cathédrale (début du 19ème s.). A cette occasion, le facteur Franz Anton Kiene reçut le mandat de réviser l'orgue de choeur. En fait il en fit une véritable transformation: le Grand Orgue (avec une console à deux claviers) devint celui de l'Epître (au Sud), le "petit" orgue, appelé Positif, passant à celui de l'Evangile (au Nord). Cette situation était donc l'inverse de celle des orgues Bossard. La console à deux claviers se trouvait du côté de l'Epître et permettait de jouer des deux instruments (en tant que Hauptwerk et Positiv). La console du côté Evangile demeura une console à un clavier. La fin des travaux eut lieu à la fin de 1825. Depuis cette époque, on ne parlait plus que d'un orgue de choeur Kiene. Ce facteur n'utilisa que quelques pièces mécaniques et assez peu de jeux des orgues Bossard. Les qualités techniques de Kiene étaient comparables aux grands facteurs du premier quart du 19ème siècle. Il réalisa, de plus, l'accouplement possible entre les deux instruments. Pendant plus de 100 ans, cet orgue à deux buffets donna satisfaction et ne subit que quelques transformations mineures. En 1938, on entreprit une restauration extérieure de la cathédrale et on décida de faciliter la traction de l'ensemble des jeux et notes de l'orgue de choeur en passant à la pneumatisation de la traction, et l'électrification du vent. Ces travaux furent confiés, techniquement, au facteur Franz Gattringer (de Rorschach). Ce dernier pneumatisa l'ensemble de l'instrument au niveau des registres, la traction des notes étant également pneumatisée côté Evangile. La traction du côté Epître resta mécanique. Le facteur repensa aussi l'alimentation en vent. Une grande restauration intérieure de la cathédrale eut lieu de 1961-67. Ce fut l'occasion d'effectuer une restauration poussée de l'orgue de choeur: ce fut la Manufacture Mathis (anc. Naefels, act.: Luchsingen) qui entreprit ces travaux (nettoyage et restauration des pièces d'origine, restauration et compléments apportés à la partie instrumentales avec retour au contrat des Bossard de 1766 pour clarifier au mieux cette restauration, reconstruction d'une traction mécanique irréprochable pour les notes et les jeux, réactivation de la console du côté Evangile...). Les jeux de l'orgue de l'Evangile peuvent maintenant être joués à partir des deux consoles (Evangile ou Epître) et les tirants de registres sont tous à traction mécanique. Cette restauration exemplaire a remis l'instrument dans un état le plus proche possible de celui imaginé par Franz Anton Kiene. Avec sa traction mécanique souterraine absolument remarquable, cet instrument est l'objet de l'admiration de tous. En 2006, la Manufacture Mathis exécuta une révision du tout et décida de mettre l'orgue au tempérament Neidhardt III. Des changements au niveau de quelques jeux furent encore décidés: passage d'une Dulcian 16' à une Vox Humana 8', remplacement d'une Cymbale 3f. 2/3' par un Cornetto 2f. 2 2/3', notamment. Côté Epître, la console est à deux claviers et pédalier, un des claviers permettant de jouer à distance de l'orgue de l'Evangile, considéré comme Positif.
Composition des jeux du grand orgue Kuhn de la cathédrale de St-Gall: consulter le lien suivant = cliquer ici pour tous les détails. Photo de la console de cet instrument: cliquer ici (attention au ©).
Composition des jeux de l'orgue de choeur de la cathédrale de St-Gall [selon le site Internet de la Manufacture Mathis, composition de 2006]:
- Orgue de l'Evangile: clavier manuel (C-f ''') = Principal 8', Flaut Travers 8', Copell 8', Gamba 8', Octav 4', Flute dous 4', Quint Flauten 2 2/3', Superoctav 2', Terzia 1 3/5', Mixtur 3fach 1', Vox humana 8'.
Pédalier (C-a°) = Subbass 16', Principalbass 8', Cello 8', Octava 4'. Console avec un clavier, un pédalier. Accouplement I/P par action d'une pédale au pied. Tremulant. La partie Evangile (clavier) de l'orgue est considérée comme Positif de l'ensemble. Le Pédalier de l'orgue de l'Evangile n'est jouable que depuis la console du côté Evangile.
- Orgue de l'Epître: clavier manuel (C-f ''') = Gross Bourdong 16', Principal 8', Copell 8', Viola 8', Quintatön 8', Octav 4', Flauto 4', Cornetto 2fach 2 2/3' (depuis g° [+ 1 3/5], Flageolet 2', Larigott 1 1/3', Fournitur 3fach 2', Trompeten 8'.
Pédalier (C-d') = Praestant 16', Subbass 16', Principal 8', Cello 8', Mixtur 3fach 4', Bombard 16', Trompeten 8'. Console à 2 claviers (Werk, Positiv). Accouplement II/I et I/P par action de pédales au pied. Sperrventil par action au pied. Tremblant sur l'orgue de l'Evangile (= Positif) par action d'une pédale au pied. L'un des claviers permet de jouer de l'orgue de l'Evangile à distance (considéré comme Positif). Vue de la console à deux claviers, côté Epître: cliquer ici (attention au ©).
[Notre rubrique pour la compréhension des noms des jeux d'orgue: cliquer ici ].
Documentation, liens Internet:
- ouvrage: Dictionnaire des églises, volume consacré à la Suisse (volume VD , éditions Robert Laffont, 1971 (176 pages).
- ouvrage: Eglises et monastères suisses, par Klaus Speich et Hans R. Schläpfer, éditions Ex Libris, Zurich, 1979.
- Documentation fournie par la Manufacture suisse d'Orgues Mathis (vifs remerciements): Die historische Chororgel in der Kathdrale St. Gallen, plaquette de 96 pages, très détaillée et largement illustrée, par Hansjörg Gerig, édition 2007, Küng Druck, Näfels (Mathis Orgelbau, Näfels, ©).
- https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/001321/2012-01-06/ (rubriques historiques sur St-Gall),
- St-Gall et la religion: lire ici ,
- http://www.cosmovisions.com/monuSaintGall.htm (abbaye de St-Gall),
- lien historique, touristique: lire ici ,
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Abbaye_de_Saint-Gall (l'abbaye),
- dossier UNESCO: cliquer ici ,
- https://www.e-codices.unifr.ch/de/list/csg (bibliothèque de St-Gall en ligne, site en formation en 2011),
- https://structurae.net/fr/ouvrages/cathedrale-de-saint-gall (St-Gall sur le site Structurae),
- https://de.wikipedia.org/wiki/Stiftskirche_St._Gallen (lien donnant également les compositions des orgues),
- exemple d'un petit orgue Frosch de 1888 à Asbach (D): voir ici,
- https://www.flickr.com/photos/37338861@N05/3689497839/in/photostream/ (orgue de choeur, entrée de la mécanique souterraine. Attention au ©),
- http://peter-fasler.magix.net/public/SGProfile7/sg_stg_kathedrale_chor.htm (lien pour l'orgue de chur),
- deux liens pour le grand orgue Kuhn: cliquer ici et aussi ici ,
- lien Mathis pour l'orgue de chur: cliquer ici .
- compositions des jeux de tous les orgues: voir ici.
- l'ensembles des orgues de St-Gall (cathédrale) figure dans la base mondiale néerlandaise des Orgues: voir ici (grand orgue), et voir ici (orgue de choeur). Nombreuses photos aussi !
Ci-dessus, en guise de vignette agrandissable de cette page, nous mettons un cliché personnel du Grand Orgue Kuhn (en Ouest) de la cathédrale de St-Gall. Les autres photographies personnelles figurent dans la rubrique " photos " attenante à cette page de texte.
Page et textes revus et actualisation des liens, en février 2021.