Yverdon-les-Bains et son Temple: dans l'architecture protestante sacrée en Suisse, notamment à ses débuts, la discrétion de la conception de la façade est un caractère commun à de nombreux édifices, surtout au 18ème siècle. Cela relève d'un certain puritanisme craignant l'apparat, mais aussi du fait que l'emplacement des édifices religieux dans l'environnement architectonique ne permettait pas le déploiement d'un côté capable d'atteindre l'envergure d'une grande façade. Au 18ème siècle, plusieurs églises protestantes furent construites en Suisse dans un style baroque lumineux à l'intérieur mais un peu austère à l'extérieur. C'est notamment le cas du Temple de Morges, d'Yverdon ou de Trogen en Appenzell.
Le Temple d'Yverdon fut construit de 1753-57 sur l'emplacement d'une ancienne église gothique démolie, mais dont subsiste le clocher. La grande façade de l'église d'Yverdon donne sur la grande place du marché qui est encadrée par le Château (un des fameux "carrés savoyards" de la région vaudoise) et par l'Hôtel de Ville (1767-73). La façade de l'église est arrondie aux extrémités pour permettre une belle perspective dans les 2 rues adjacentes. A l'intérieur, tout est sobre comme dans tous les temples protestants, mais la belle pierre de Hauterive jaune chante magnifiquement sous le plafond blanc, assez spectaculaire, réalisé d'un seul jet, en forme de berceau. Dans une grande église, il fallait un grand orgue. Ce fut un instrument du facteur de Lille (France) Adrien Joseph Potier, construit en 1766. C'est donc une façade magnifique qu'offre cet orgue dans le pur style français du 18ème siècle.
A l'origine, l'orgue comptait 19 jeux et 2 claviers + pédalier. Une première "romantisation" eut lieu en 1890 (adjonction notamment d'une gambe). En 1925-26, l'orgue fut profondément remanié et porté à 46 jeux sur 3 claviers et pédalier. De l'instrument original, il ne subsiste que le magnifique buffet de style français, 2 jeux complets et quelques fragments de jeux. On remarque aussi dans cette église quelques beaux vitraux de Charles Wehrli (1899) et des stalles de 1502, récupérées de l'ancienne église gothique.
Le facteur A.F. Potier est aussi le facteur qui réalisa l'orgue de l'église gothique de Moudon, dans le canton de Vaud. Voir le site des orgues de Moudon: http://www.amis-orgue-moudon.ch/ .
Sites: http://www.swisscastles.ch/Vaud/yverdon/default.htm pour le château, et le site officiel: http://www.yverdon-les-bains.ch/ .
Compléments d'information sur l'orgue Potier (1767) d'Yverdon-les-Bains : dans la Revue Indépendante, L'Orgue, No 3, septembre 2006, un très intéressant article est publié par le titulaire des orgues du Temple d'Yverdon, M. Guilhem Lavignotte. Cet article, particulièrement exhaustif, nous renseigne par le détail, concernant l'histoires des orgues Potier d'Yverdon-les-Bains. Cet instrument fut donc livré en 1767. Il comprenait à l'origine 2 claviers et un pédalier pour 19 jeux. Les claviers comptaient 48 notes et le pédalier 19. La composition d'origine est donnée par M. Lavignotte. La voici:
Grand-Orgue : Montre 8', Bourdon 8', Prestant 4', Flûte douce 4', Quinte majeure 2 2/3', Doublette 2', Larigot 1 1/3', Fourniture 3r 1', Cornet 3r (c'). Positif de dos : Bourdon 8', Principal 4', Superoctave 2', Suavial 2' , Quinte mineure 1 1/3', Cymbale 2r 1'. Pédale : Bourdon 16', Octavebasse 8', Fourniture 2r 2', Basse de Trompette 8'. Joseph Moser, père du grand Aloys Mooser, participa à l'élaboration du buffet de ce bel instrument.
Cet orgue eut à subir plusieurs interventions, plus ou moins heureuses, selon M. Lavignotte. En 1877, le facteur Jean-Joseph Savoy transforme assez profondément l'orgue d'Yverdon-les-Bains. Les jeux ajoutés semblent avoir été acquis d'occasion (Goll ?). La Municipalité donne au facteur Savoy les claviers d'origine et les jeux Potier enlevés (heureusement pas tous !!). Cette transformation est évidemment dommageable pour ce bel instrument. Les jeux "Savoy" ajoutés, en échange de jeux enlevés, sont : une Flûte de 8' au GO, une Viole de Gambe de 8' au GO, une Quinte 2 2/3' au GO, une Flûte douce de 8' au Pos., un Salicional de 8' au Pos., une Flûte pointue de 4' au Pos., un Basson de 16' à la Pédale. Le facteur Savoy ajoute le même nombre de jeux qu'il enlève, l'instrument gardant le même nb. de jeux en tout.
Ensuite, la manufacture genevoise Tschanun va intervenir en 1926. L'orgue Tschanun sera inauguré en janvier 1927. Il comprend 46 jeux sur 3 claviers et pédalier. On voit apparaître un clavier de Récit expressif bien dans la veine des orgues des années 1920-30. Cet orgue réalise une synthèse en présentant des jeux que l'on pourrait qualifier de classiques avec des jeux symphoniques. Cet orgue va garder pratiquement la même composition jusqu'à nos jours. Un relevage est effectué par le facteur Gruaz de Lausanne en 1949. En 1970 à 1982, on effectue une électrification de la transmission de l'orgue (par la Manufacture de Grandes Orgues de Genève). [A noter que la Maison Kuhn, à l'époque, avait proposé un retour à la composition de l'orgue Potier de 1766 + 5 jeux neufs]. L'orgue Tschanun revu par la Manufacture de Genève sera inauguré aux Rameaux, en 1982.
La dernière étape est heureuse pour le titulaire qui s'exprime dans l'article mentionné dans la Revue Indépendante, L'Orgue, No 3, pages 20 et suivantes : la Manufacture d'Orgues de Saint-Martin SA (Val-de-Ruz, canton de Neuchâtel) est chargée de restaurer / reconstruire le grand orgue d'Yverdon-les-Bains (période de 1997 à 2007). Connaissant assez bien le travail remarquable de ces artisans, nous pensons qu'effectivement, il y a là une bonne nouvelle pour l'orgue en Suisse romande. En page 36 de la Revue mentionnée ci-dessus, l'auteur, M. G. Lavignotte, donne même la composition du futur orgue qui sera inauguré en novembre 2007, si tout va bien. Il y aura 9 jeux repris du facteur Potier (1767), jeux entièrement conservés ou seulement partiellement.
La composition de l'orgue restauré / reconstruit par la Manufacture de Saint-Martin sera la suivante (43 jeux):
Clavier 1, Grand-Orgue, avec Bourdon 16', Montre 8' *, Bourdon 8' *, Gemshorn (Cor de chamois) 8', Gambe 8', Prestant 4' *, Flûte 4' *, Quinte 2 2/3', Doublette 2' *, Fourniture 4r 1 1/3', Cornet 5r (f°) 8' *, Cor (anche) 8'.
Clavier 2, Positif de dos, avec Flûte douce 8', Bourdon 8' *, Montre 4' *, Flûte conique 4', Nasard 2 2/3', Octave 2' *, Tierce 1 3/5', Larigot 1 1/3', Cymbale 4r 1', Cromorne 8'.
Clavier 3, Récit expressif, avec Bourdon 16', Flûte harmonique 8', Fugara 8', Voix céleste (c°) 8', Suavial 4', Flûte octaviante 4', Piccolo 2', Sesquialtera 2r 2 2/3' + 1 3/5', Plein-Jeu 3-4r 2', Basson 16', Trompette 8', Clairon 8', Hautbois 8'.
Pédalier avec Flûte 16', Soubasse 16', Principal 8', Bourdon 8', Principal 4', Sesquialtera 2r 5 1/3' + 3 1/5', Basson 16', Trompette 8'.
Accouplements: II/I, III/I, III/II, I/P, II/P, III/P. Tremblants: Positif, Récit. Combinateur électronique (256 combinaisons). Les jeux repris du facteur Potier (complets ou partiels) sont marqués par un astérisque (*), ci-dessus.
• Présence de l'orgue du Temple d'Yverdon-les-Bains dans la base mondiale néerlandaise des Orgues: voir ici.
En guise de vignette agrandissable de cette page, nous mettons un cliché personnel (début 2006) de l'orgue Potier du Temple d'Yverdon-les-Bains, cliché donc pris avant la restauration de la manufacture de Saint-Martin. Cliquer sur l'image pour l'agrandir. Les autres clichés (aussi du début 2006) figurent dans la rubrique "photos" attenante à cette page de texte.
• Page relue et vérifiée en avril 2020.
