Début juin 2012, nous avons eu la chance de visiter, par beau temps et dans le calme, la superbe église baroque de Hochdorf et les monuments qui l'entourent au sein d'un véritable "enclos" paroissial d'une grande beauté et d'une unité architecturale exceptionnelle (canton de Lucerne, district de Hochdorf). Ce site est absolument remarquable et doit figurer dans la liste des centres historiques que tout amateur d'art baroque et d'orgue devrait un jour visiter.
Quelques notes sur l'histoire des lieux: la région du lac de Baldegg a été occupée déjà au temps du Mésolithique. Des villages de l'époque de la céramique cordée ont été identifiés (3ème millénaire avant notre ère). La période du Bronze est aussi représentée (vers 1700 avant notre ère). Une tombe de l'époque de La Tène a été identifiée également. On a aussi dégagé certains vestiges romains. Le Dictionnaire historique de la Suisse nous dit: "Au IXe s., le Fraumünster de Zurich possédait des terres à Hochdorf. Le patronage passa au chapitre de Beromünster avant 1036. Les droits de haute et basse justices appartenaient aux suzerains successifs (Lenzbourg, Kibourg, puis Habsbourg) et à divers seigneurs, dont l'avoué de Beromünster. Possession autrichienne, Hochdorf fut conquis lors de la guerre de Sempach (1386) par la ville de Lucerne, qui reprit en outre en 1395 les droits, auparavant tenus en gage par les Gessler, sur la partie sud du bailliage (Hochdorf, Urswil). Dès lors, Lucerne prétendit à la souveraineté judiciaire sur toute la paroisse et Hochdorf devint le chef-lieu du bailliage extérieur de Rothenburg. Mentionné pour la première fois à la fin du IXe s., le hameau d'Urswil était au bas Moyen Age le siège du tribunal de basse juridiction de Hohenrain. Urswil et Baldegg formèrent des communes indépendantes jusqu'en 1803, puis furent réunies à la circonscription fiscale (équivalent d'une commune) de Hochdorf, au sein de laquelle elles jouirent jusqu'en 1831 d'une large autonomie en matière de police et peut-être même au niveau scolaire. Le domaine (Dinghof) de Ligschwil appartint au couvent soleurois de Beinwil (coutumier de 1299) et à l'abbaye d'Einsiedeln (1299-1678)".
Histoire de l'église paroissiale: 893 = première mention de la possession par le Fraumünster de Zurich. 962 = la seconde église mentionnée en ce lieu bénéficie de la bienveillance de Rome (grâce à l'évêque de Constance qui a consacré l'édifice). Vers 1036 = l'église de Hochdorf est rattachée au couvent de Beromünster. 1173 = on parle pour la 1ère fois d'une paroisse pour Hochdorf. En 1352 = selon la chronique, une 3ème église est construite à Hochdorf. 1534 = construction de la cure (Pfarrhaus). 1555 = construction d'une 4ème église en style gothique (de cette époque gothique tardive date le groupe sculpté exceptionnel exposé dans la chapelle du cimetière dédiée, dans sa partie haute, à Marie). 1576 = l'ossuaire (maintenant chapelle de Marie) est consacré. 1696-98 = rénovation de l'église. 1707 = incendie qui détruit une partie du bourg. 1756 = une assemblée de la paroisse décide d'une reconstruction de l'église et de son environnement. 1757 = on décide de confier la construction au grand architecte originaire du Tyrol, Jakob Singer (ce constructeur a oeuvré intensivement dans la région lucernoise). Le 23 avril 1758 = pose de la première pierre. La même année, un premier service religieux peut être célébré dans les lieux. Juillet 1768 = consécration de l'édifice et des autels en présence de l'évêque de Constance. 1787 = église endommagée par une tempête: le clocher baroque est reconstruit dans le style actuel. 1850 = les magnifiques peintures intérieures sont recouvertes dans le style du 19ème s. par un peintre Keyser de Stans. 1886 = décision est prise d'effectuer une rénovation intérieure avec construction d'un nouvel orgue. 1939 à 1941 = nouvelle restauration avec agrandissement de l'édifice de 8 m en longueur en Ouest (la façade de J. Singer est démontée et reconstituée). 1972 = construction du Centre paroissial St-Martin. 1984-85 = grande restauration intérieure avec restitution de l'intérieur et de ses décors de l'époque baroque tardive. 1986 = nouvel orgue Goll. 2001 = restauration extérieure rendant à cet ensemble paroissial exceptionnel sa splendeur du 18ème siècle, chef-d'oeuvre de Jakob Singer (1718-1788).
Description courte (intérieure, extérieure): le maître-autel = chef-d'oeuvre de Kaspar Moosbrugger (1724-1784, originaire de Bregenz) avec retable peint, très beau, montrant le Couronnement de Marie, peint par Joh. Melchior Wyrsch, et des décors sculptés de Johann Baptist Babel (sculpteur très connu de l'époque baroque tardive). Les retables peints des autels secondaires ont été réalisés par des artistes inconnus, anonymes. Mais ces tableaux n'en sont pas moins remarquables ! On pense que plusieurs statues de ces autels proviennent de l'atelier du sculpteur Friedrich Schäfer (originaire du Tyrol), très connu au milieu du 18ème s. Tout à gauche (Nord), on remarque un autel consacré à Joseph (Josefaltar) avec une statue de saint Josef et l'enfant Jésus (19ème siècle). Cette église de Hochdorf comporte bien des statues et bustes destinés aux processions: plusieurs sont du 17ème siècle, comme les 4 bustes placés sous la tribune de l'orgue (saints Martin, Pierre, Paul et Josef). Les peintures de la voûte: elles furent exécutées par le peintre Josef Ignaz Weiss, vers 1759-60. Ce peintre, bien connu à l'époque baroque du milieu du 18ème siècle, est originaire de l'Allemagne du Sud (il travailla notamment à Einsiedeln, Rapperswil, dans la région de St-Gall, à Flüelen et aussi à Schwyz [église paroissiale de cette ville]). Ses peintures remarquables furent recouvertes par d'autres de moindre qualité, lors des restaurations de 1850 et 1941. La restauration approfondie de 1983-85 a permis de remettre en évidence le magistral programme pictural de ce peintre, à Hochdorf. La galerie couverte du cimetière: cette disposition que l'on a déjà rencontrée à la Hofkirche de Lucerne se retrouve à Hochdorf; la construction de cette galerie grandiose remonte au premier quart du 20ème siècle. Le peintre August Meinrad Bächtiger (St-Gall) a travaillé à la décoration picturale de cette galerie couverte de Hochdorf de 1933-36. Cette galerie, qui rappelle un peu un cloître, ajoute une dimension impressionnante à l'ensemble architectural de Hochdorf. Les peintures de Bächtiger sont nombreuses et en forme de tympans, dans les arcatures de la galerie: on distingue trois cycles, à savoir celui du Nouveau Testament, celui intitulé "Dies Irae" (Jour de colère) et enfin celui de l'Apocalypse.
La chapelle du cimetière et l'ossuaire: en haut de l'escalier monumental d'accès à l'église, à gauche, on remarque un bel édifice qui, visiblement, remonte à l'époque gothique tardive, avec révision baroque ! Nous voyons l'ossuaire (Beinhaus) de l'enclos paroissial, dont la base, aux robustes arcades, remonte à 1576. La base de la chapelle sert, actuellement, de chambre mortuaire. A son entrée sont exposés divers objets en fer forgé de l'époque gothique tardive. Par un escalier, on accède à la chapelle supérieure dédiée à Marie. Cette chapelle rustique et extraordinairement belle, avec sa poutraison apparente fut, avant d'être une chapelle, un grenier pour le stockage du blé et des céréales nécessaires pour la paroisse (il s'agissait du prélèvement de la dîme, mais le blé servait également de monnaie d'échange à l'époque). Dans le choeur de cette remarquable chapelle figure, actuellement, un couronnement de Marie, groupe sculpté absolument superbe datant de 1500 environ, selon les experts. Cette chapelle (du haut de l'édifice) a été aménagée en 1963, avec un goût qui force le respect ! A droite de l'escalier monumental menant à l'église, face à la chapelle de Marie, on remarque la magnifique construction de la Cure (Pfarrhaus) avec sa façade gothique tardive typique à créneaux étagés (on date cet édifice de 1535 environ; il a été restauré et modifié plusieurs fois, notamment aux 19ème et 20ème siècles).
Les orgues: l'histoire des orgues de ce très beau sanctuaire est longue et intéressante. 1694 = orgue d'un certain facteur Jost Ottiger. 1768 = construction par le facteur Christoph Joseph Balez. 1792-93 = construction par le facteur lucernois Josef Willimann. 1985-86 = premier orgue de la Manufacture Goll Orgelbau (Friedrich Goll) et inauguration en octobre 1886. 1912 = électrification de la soufflerie, par Goll. 1942 = extension de l'instrument par la Manufacture Goll de Lucerne. 1967 = rénovation de l'instrument par Goll. 1981 = nouveau projet en préparation. 1986 = nouvel orgue par la Manufacture Goll AG de Lucerne. Inauguration en novembre 1986. 1992 = révision par Goll AG. 2002 et 2011 = différents travaux par la Manufacture Goll. L'orgue de choeur est de la même Manufacture Goll et date de 1992 (4 jeux).
Composition des jeux du grand orgue Goll de l'église paroissiale de Hochdorf (1986) [selon le site du Dr. M. Brandazza de Lucerne, en juin 2012]:
Manuel I, Rückpositiv (Positif de dos, C-g'''): Gedackt 8' (Bourdon), Quintade 8', Praestant 4', Rohrflöte (Flûte à cheminée) 4', Flageolet 2', Larigot 1 1/3', Sesquialtera 2 2/3' + 1 3/5' (de C-H: 1 1/3' + 4/5'), Zimbel (Cymbale) 3-4f. 1', Krummhorn (Cromorne) 8'.
Manuel II, Hauptwerk (Grand-Orgue, C-g'''): Bourdon 16', Prinzipal 8', Bourdon 8', Gamba 8', Gemshorn 8', Octave 4', Flöte 4', Quinte 2 2/3', Superoctave 2', Mixtur 4-6f. 1 1/3', Cornett 5f. 8' (depuis fis), Trompete 8'.
Manuel III, Schwellwerk (Récit, C-g'''): Gedackt 16', Lieblich Gedackt (Bourdon aimable) 8', Salicional 8', Voix céleste 8' (depuis c), Prinzipal 4', Traversflöte 4', Nasard 2 2/3', Waldflöte 2', Terz (Tierce) 1 3/5', Plein-Jeu 4-5f. 2', Trompete 8', Oboe (Hautbois) 8', Clairon 4'.
Pédalier (C-f '): Prinzipal 16', Subbass 16', Octavbass 8', Flötbass 8', Octave 4', Mixtur 3-4f. 2', Posaune (Trombone) 16', Trompete 8'.
Traction mécanique des notes. Double traction pour les jeux: mécanique et électrique. Accouplements: III/II, I/II, III/P, II/P, I/P. Installation électronique pour la registration. Diapason: La à 440 Hz à 18°.
Composition de l'orgue Goll de choeur (1992): Gedackt 8' (Bourdon), Principal 4' (de C-H: ensemble avec la Flûte), Rohrflöte (Flûte à cheminée) 4', Octave 2'. Diapason: La à 440 Hz à 18°. Traction entièrement mécanique. Instrument neuf situé vers le choeur, à gauche.
Brochure et liens Internet:
- brochure: St. Martin, Hochdorf, opuscule largement illustré. Auteur: Franz Gross-Weltert, Hochdorf. Photos: Heinz Bigler, Hildisrieden. Kunst Verlag Josef Fink, Lindenberg, première édition, 2006 (56 pages). Préparation d'ensemble: Holzer Druck und Medien, D-88171 Weiler im Allgäu.
- https://de.wikipedia.org/wiki/Hochdorf_LU (lien en allemand),
- https://www.hochdorf.ch/ (site local),
- http://www.swisscastles.ch/aviation/luzern/hochdorf.html (vues aériennes),
- https://www.prbs.ch/raeume/pfarrkirche-hochdorf (site paroissial),
- https://www.prbs.ch/ho/ (la Pastorale des églises qui dépendent de Hochdorf),
- https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/000602/2007-12-18/ (lien historique avec deux sous-rubriques),
- http://orgeldokumentationszentrum.ch#/detail/554 (lien spécifique du grand orgue),
- http://orgeldokumentationszentrum.ch#/detail/15875 (lien spécifique de l'orgue de choeur).
- orgue dans le site de la Manufacture Goll: voir ici.
- grand orgue présent dans la base mondiale néerlandaise des Orgues: voir ici. Idem pour l'orgue de choeur: voir ici. Et voir dans le site Goll: voir ici.
- Diverses vues: voir ici, et aussi ici.
Ci-dessus, en guise de vignette agrandissable de cette page, nous mettons en ligne un cliché personnel du grand orgue Goll (1986) de l'église paroissiale de Hochdorf (canton de Lucerne). Les autres clichés personnels figurent dans les deux rubriques suivantes: "photos: intérieur, orgues" et "photos: extérieur, chapelle" attenantes à cette page de texte.
Page revue, corrigée et complétée tout début novembre 2020.
Les Réformés à Hochdorf disposent d'une église protestante: voir ici. Paroisse réformée: voir ici. Autre référence pour l'église réformée: voir ici. Cette église disposait d'un petit orgue Goll de 2 claviers, assez ancien, qui semble avoir été retiré au profit d'un instrument électronique (?): voir ici. Les bâtiments réformés ont subi des transformations et une restructuration.