Lors de notre séjour en Bourgogne, nous avons visité la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon (juin 2009).
L'abbatiale Saint-Bénigne a été élevée au rang de cathédrale le 4 janvier 1805. Sa construction remonte au 13ème siècle: vers 1281 à 1290 pour le choeur et l'abside, et au premier tiers du 14ème siècle pour la nef et les bas-côtés. L'abbaye trouve son origine dans le culte rendu aux reliques de saint Bénigne, apôtre de la Bourgogne, martyrisé au 3ème siècle, reliques qui furent déposées en 511 dans une crypte sur laquelle fut élevée une basilique en 535. Elle fut reconstruite en 871 et fut placée sous la garde de moines bénédictins qui construisirent, à côté, un monastère. Une troisième église fut construite de 1002 à 1018 par Guillaume de Volpiano, venu du Piémont avec douze moines. En outre, il édifia contre le chevet une fabuleuse rotonde de trois étages dont l'étage inférieur, qui subsiste encore à ce jour, appartient à la tradition architecturale pré-romane bourguignonne. En février 1272, la tour de la croisée du transept s'effondre: l'église doit être reconstruite. La première pierre fut posée en février 1281 et le choeur fut terminé en 1287. Il apparaît que l'ensemble de l'édifice fut achevé vers 1325. La consécration de l'église n'eut cependant lieu qu'en avril 1394. Saint-Bénigne de Dijon comporte une nef de 5 travées avec collatéraux et transept non saillant. Le choeur compte 2 travées droites et une grande abside flanquée de deux absidioles. Un triforium, étroite galerie de circulation aménagée au-dessus des grandes arcades de communication entre la nef et les bas-côtés, décore la cathédrale ainsi que le choeur. L'église est entièrement voûtée d'ogives. La décoration intérieure est assez austère. Les chapiteaux sont nus à l'exception de ceux des piliers du carré du transept, que décorent des feuillages sculptés, ainsi que ceux de l'abside et du triforium dans le choeur. Le porche ouest précède le vieux portail du 12ème siècle (en partie conservé). Les tours de façade sont assez trapues et relativement peu élevées. Depuis 1896, une haute flèche de 93 m domine la croisée du transept.
Image montrant une reconstitution de l'église abbatiale (au niveau de la crypte) du 11ème siècle (G. de Volpiano): cliquer ici ; on distingue bien le plan de la célèbre rotonde dont les deux étages supérieurs sont au-dessus de la crypte.
La rotonde de la cathédrale: la crypte actuelle, visitable, ne représente que le niveau inférieur de la fameuse rotonde de Dijon. Cet étage inférieur (dédié à Saint Jean Baptiste) est l'un des témoins importants de l'art roman primitif en Bourgogne. Au-dessus, on a construit une sacristie, en 1860. La rotonde actuelle a été découverte en 1843. Elle est creusée, en son centre, d'une fosse contenant le sarcophage de saint Bénigne. Il y avait au-dessus (avant la démolition de 1792) un étage médian (dédié à la Vierge) et un autre supérieur (dédié à la Sainte Trinité). Sur ce dernier étage (supérieur) s'ouvrait la voûte directement vers le ciel. La lumière pénétrait donc dans cette fameuse rotonde de 3 étages, contrairement à la situation actuelle, où, par la présence de la sacristie, la coupole octogonale de l'étage restant est aveugle et fait régner la pénombre dans la crypte. Toutefois, cette rotonde, même partiellement conservée, est un rare témoin d'une construction reprenant une architecture symbolique adoptée, notamment, au 4ème siècle, pour le tombeau du Christ à Jérusalem. Il y a trois cercles de colonnes qui rayonnent depuis le centre (8, puis 16, puis 24 colonnes), certaines ayant conservé leurs chapiteaux primitifs. Une chapelle, datant du 6ème siècle, est encore construite à l'Est de la rotonde.
La grande église a connu différentes périodes: elle fut église d'un monastère dirigés par des abbés du 14ème s. à 1525; puis le monastère fut placé sous le régime de la Commende (de 1525 à 1789); durant cette période, il fut repris en main par la Congrégation de St-Maur (1651-1789); enfin l'église fut le siège d'une des paroisses maintenues en mai 1791 (et érigée en cathédrale en 1792). Des pillages successifs vidèrent l'édifice dont pratiquement seul l'orgue fut sauvegardé. En 1801, au moment du Concordat, l'église est confirmée comme cathédrale et passe sous le contrôle de l'Etat. Enfin, un décret pontifical de 1805 donne à la cathédrale de Dijon le double patronage principal de St-Bénigne et, secondaire, de St-Etienne. En 1819, on constate que l'édifice, peu entretenu, va coûter très cher à restaurer. Certains recommandent même sa démolition ! Cependant, des travaux sont entrepris de 1830 à 1844. Une nouvelle campagne de restauration est confiée l'architecte Charles Suisse en 1884 avec achèvement à Noël 1892 (Charles Suisse: 1846-1906, fut formé à l'école des Beaux-Arts. Il devint architecte en chef des Monuments historiques le 2 août 1897). C'est notamment sous Charles Suisse que les piliers de la croisée du transept furent reconstruits et consolidés.
Les vitraux: les verrières d'origine, antérieures à la Révolution, ont disparu. Toutefois, c'est déjà aux 17 et 18èmes siècles que les vitraux furent, soit déplacés, soit détruits, mutilés ou remplacés par des grisailles. Les verrières hautes de l'abside ont été mises en place en 1897 (la verrière axiale a pour thème principal le Christ en croix et les martyrs bourguignons). Les verrières basses de l'abside furent mises en place en 1894. Les grandes verrières des deux transepts datent de 1899 (pour le Sud) et 1902 (pour le Nord). Ces verrières, très belles, furent commandées à l'atelier parisien d'Edouard Didron. La verrière du transept Sud rappelle des thèmes de l'Ancien Testament, alors que la verrière Nord est plus centrée sur le Christ, Saint Paul, Saint Pierre. Bien que non médiévaux, ces vitraux imposants font un très grand effet.
Les grandes orgues: il est temps d'évoquer les orgues de Saint-Bénigne de Dijon, dont le grand orgue est un monument des plus remarquables, sans doute l'un des plus grands instruments de France. Les orgues ayant été construites avant 1740 étaient placées sur un jubé (clôture marquant la séparation entre nef et choeur). En 1740, on fit construire une grand tribune en Ouest, destinée à accueillir un orgue de nef. La mention la plus ancienne d'un orgue à St-Bénigne remonte à 1572. En 1632, un nouvel orgue de jubé est livré (15 jeux sur 2 claviers et pédalier) par Jean d'Herville. Les moines bénédictins décident de faire construire, en 1740, un grand orgue par le facteur Karl (Charles)-Joseph Riepp (1710-1775) aidé de son frère Rupert. Karl-Joseph Riepp est un très grand organier, né à Ottobeuren (Souabe) et venu s'installer à Dijon en 1735. La célébrité de Riepp allait être grande en raison des instruments remarquables qu'il construirait, un peu plus tard, en Allemagne, notamment à Ottobeuren. Le buffet de l'orgue de St-Bénigne de Dijon est un chef-d'oeuvre de menuiserie et sculpture réalisé par des artisans dijonnais. Deux grandes cariatides supportent les hautes tourelles des extrémités du grand buffet. Cet orgue allait contenir en façade, pour la première fois en province française, un jeu de 32 pieds manuel. Les travaux de Riepp durèrent de 1740 à 1745. L'orgue, considérable pour l'époque, contenait 45 jeux sur 4 claviers et pédalier. Dom Bédos, lui même très grand facteur, effectua la " réception " de l'orgue de St-Bénigne, avec Claude Rameau, lequel fut le premier titulaire à St-Bénigne (il était le plus jeune frère de Jean-Philippe Rameau). En 1787-88, Jean Richard, facteur de Troyes, modifie le grand orgue, étend les claviers de 51 à 54 notes, remplace la soufflerie, reconstruit la mécanique et ajoute des jeux (il refait, notamment, les anches). En 1790, l'organiste titulaire sauve l'orgue en jouant des Hymnes patriotiques et révolutionnaires (il s'agissait de Joseph-Dominique Parin). Des transformations sont faites par François Callinet, à la demande du titulaire. Une restauration sera ensuite entreprise par la Maison Daublaine-Callinet (de 1846-48). Si la matériel sonore est en grande partie conservé, des jeux de Tierces disparaissent au profit de Flûtes, Gambes et d'un Récit expressif (à la place des niveaux sonores Récit et Echo de Riepp). En 1860, Joseph Merklin (préféré à Cavaillé-Coll) effectue un grand relevage à St-Bénigne: le 32 pieds manuel est transféré...à la Pédale et remplacé par une Flûte harmonique; des Machines Barker sont installées (assistance à la traction mécanique). En 1902, la soufflerie est électrifiée. En 1908, le buffet est classé aux Monuments Historiques. En 1953, avec l'arrivée d'André Fleury comme titulaire, une grande restauration est entreprise: les travaux sont confiés à la Maison alsacienne Roethinger. La transformation de l'orgue de St-Bénigne sera faite en profondeur: la transmission n'est plus mécanique, mais électro-pneumatique (quel dommage !), des anches disparaissent, le plein-jeu est recomposé, des tuyaux passent du Positif dorsal au Grand-Orgue et vice versa ! Finalement, l'orgue de St-Bénigne n'est plus qu'un grand 3 claviers-pédalier réharmonisé en style néo-classique ! Avec l'arrivée d'un nouveau titulaire (en la personne de Maurice Clerc), en 1972, un grand projet de restauration voit à nouveau le jour. Les travaux seront effectués par le grand facteur Gerhard Schmid de Kaufbeuren (de 1987-1996): les buffets anciens contiennent à nouveau l'orgue du 18ème siècle, tel qu'il était après les travaux du facteur Jean Richard (voir ci-dessus). Un Récit expressif, reprenant les jeux du 19ème s. et ceux de Roethinger, est placé en arrière du grand buffet restitué. Le 32 pieds est à nouveau mis au clavier du Grand-orgue. La transmission mécanique est restituée pour les claviers et les jeux (pour les jeux, un tirage électrique en double permet l'usage d'un combinateur). L'orgue actuel compte 5 claviers, un pédalier et 73 jeux: cliquer ici et aussi ici.
L'orgue de choeur: il s'agit d'un instrument du facteur dijonnais Jean-Baptiste Ghys, dont nous avons vu un orgue à Beaune (St-Nicolas). Le buffet a été dessiné par l'architecte Charles Suisse et sculpté par Xavier Schanosky. Il a été inauguré en 1894. Le buffet de cet orgue a été volontairement réalisé dans le style de celui du Grand Orgue en Ouest, en face. Nous allons mettre la composition de cet instrument en ligne, à l'avenir. Selon le titulaire du Grand Orgue, M. Maurice Clerc, la composition de cet instrument a été modifiée par rapport à l'origine [merci pour sa correspondance].
Composition des jeux du Grand Orgue Riepp de St-Bénigne de Dijon (selon la plaquette éditée pour la restauration de 1996):
Positif de dos (clavier 1: G°A°-g'''): Bourdon 16' (au c), Montre 8' *, Bourdon 8' *, Second 8' (Flûte, au c), Prestant 4' *, Flûte 4' *, Nasard 2 2/3', Doublette 2' **, Tierce 1 3/5', Larigot 1 1/3', Carillon III, Fourniture IV *, Cymbale III *, Trompette 8' *, Cromorne 8' *, Voix Humaine 8', Clairon 4' *, Cornet V (b-g''') *.
Grand-Orgue (clavier 2: G°A°-g'''): Montre 32' (F-g''') *, Montre 16' *, Bourdon 16' *, Montre 8' *, Bourdon 8' *, Flûte 8' *, Gros Nasard 5 1/3' *, Prestant 4' *, Grande Tierce 3 1/5', Nasard 2 2/3' *, Doublette 2' *, Quarte de Nasard 2', Tierce 1 3/5', Grande Fourniture III *, Fourniture IV, Cymbale V, Cornet V (b-g''') *, Bombarde 16' *, Première Trompette 8' *, 2ème Trompette 8', 3ème Trompette 8', Clairon 4' *, Grand Cornet VI (b-g''').
Récit expressif (clavier 3: C-g'''): Gambe 16' **, Flûte harmonique 8', Bourdon 8' **, Salicional 8' **, Gambe 8' **, Voix Céleste 8' **, Octave 4', Gambe 4' **, Flûte octaviante 4' **, Octavin 2', Piccolo 1', Sesquialtera II, Plein-Jeu V, Fourniture III, Basson-Hautbois 8' **, Voix Humaine 8' **, Bombarde 16', Trompette 8', Clairon 4'.
Récit (clavier 4: f-g''): Bourdon-Flûte II 8', Cornet V, Hautbois 8'.
Echo (clavier 5: f-g'''): Flûte 8' *, Cornet V, Trompette 8' *.
Pédalier (G°A°-f'): Principal 32' (emprunt du Grand-Orgue: C-f') **, Flûte 16' *, Flûte 8' *, Flûte 4' *, Bombarde 16' *, Trompette 8' *, Clairon 4' *.
Accessoires: tirasses pour Positif, Grand-Orgue, Bombarde, Récit expressif. Accouplements: Pos/GO, Pos./GO à tiroir, Réc. expres./GO; appel Bombarde. Tremblant doux, Trémolo au Récit expressif. Combinateur électronique pour 1024 combinaisons. Les jeux marqués d'un astérisque (*) contiennent des tuyaux du 18ème s. (de Riepp et de Richard, notamment dans les jeux d'anches). Les jeux marqués de deux astérisques (**) contiennent des tuyaux du 19ème siècle (de Ducroquet et Joseph Merklin, notamment).
Littérature, bibliographie, liens Internet:
- plaquette: Cathédrale Saint-Bénigne de Dijon, ouvrage édité par la paroisse de Saint-Bénigne, imprimé en France par l'Imprimerie Darantiere, Dijon-Quetigny, septembre 2006 (32 pages).
- plaquette: Le Grand Orgue de la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon, Imprimerie Garnier, Dijon, 1996 (21 pages).
- Dictionnaire des cathédrales de France, éditions Larousse, Paris, 1971 (256 pages).
- Guide Vert Michelin: Bourgogne, Paris, parution 2009.
- http://architecture.relig.free.fr/dijon_benigne.htm (la rotonde romane de la cathédrale),
- http://dijoon.free.fr/pagespeciale.htm (autre monographie),
- http://www.musiqueorguequebec.ca/orgues/france/dijonsb.html (le monument, les orgues),
- http://www.musiqueorguequebec.ca/orgues/france/dijonsb1.html (les photos du lien ci-dessus),
- http://www.mauriceclerc.com/G%20Schmid.html (le dernier restaurateur des orgues: Gerhard Schmid),
- courte vidéo tournée dans cette cathédrale: cliquer ici (orgue visible, qualité très moyenne),
- lien sur un site du Patrimoine de France: voir ici (on espère que ce site tiendra....),
- le grand orgue dans d'autres sites mondiaux: voir ici et aussi ici (avec photos agrandissables pour ce dernier lien),
- l'orgue de choeur, instrument Ghys: voir ici (photo et composition).
Ci-dessus, en guise de vignette agrandissable de cette page, nous mettons un cliché personnel (juin 2009) du Grand Orgue Riepp de la cathédrale de Dijon (restauration achevée en 1996). Les autres clichés personnels figurent dans deux rubriques attenantes à cette page de texte: " photos: rotonde romane " et " photos orgues et vitraux ".
Monographie complètement révisée et mise à jour en juin 2022.